Tribune libre : Les Chroniques du Coeur / Dame Nature a du coeur
Le saviez-vous ? Selon une ancienne croyance appelée la « théorie des signatures », la forme ou la couleur des végétaux, coquillages ou minéraux indique leur usage thérapeutique. Autrement dit, toute plante, toute feuille ou toute fleur qui rappelle par sa forme un organe humain serait efficace pour soigner cet organe. Ainsi, les végétaux « cordiformes » ou « cardioïdes », comme la feuille de vigne, de lierre ou celle du Paulownia, sont réputés bons pour le cœur.
De la même façon, le rubis, d’un rouge profond, a depuis l’Antiquité été associé au sang. Lorsque, à la Renaissance, les savants ont compris que le cœur pompe le sang dans notre corps, cette pierre précieuse est devenue un symbole protecteur de l’organe vital. On disait au XVIIIe siècle que posséder un beau rubis préservait des maladies cardiaques.
Des formes et des signes…
La nature semble jouer le jeu de nos croyances et nous offre des représentations en forme de cœur, vénérées comme des signes précieux. Pensons aux étranges coquillages isocardes, à la feuille du Paulownia, ou encore à l’île de Galešnjak, en forme parfaite de cœur, et au célèbre « cœur de Voh » en Nouvelle-Calédonie. Ce dernier est devenu une icône mondiale grâce au photographe Yann Arthus-Bertrand, qui l’a immortalisé en couverture de son ouvrage « La Terre vue du ciel ». Cette image symbolique est aujourd’hui une arme poétique dans la lutte pour la préservation de notre planète.
Depuis des millénaires, l’homme interprète ces formes naturelles en forme de cœur comme des messages d’amour et de protection. En Occident, les feuilles de vigne et de lierre, en forme de cœur, symbolisent l’amour éternel, la fidélité et la passion tenace. Le lierre, qui enlace et ne se détache pas facilement, est un signe puissant de passion durable.
Un symbole universel, un lien avec la vie
En Asie, la feuille du Paulownia – ou Kiri en japonais, signifiant « vie » – est porteuse de chance et de félicité. Une tradition veut que planter un Paulownia pour une fille nouvellement née assure bonheur et protection, tandis que son bois est utilisé pour le tronc de mariage, garantissant chance et prospérité. Cette essence magique est même honorée par une des plus hautes distinctions japonaises, l’« ordre des fleurs de Paulownia ».
Cette fascination pour la forme en cœur n’est pas limitée aux plantes. La quête du trèfle à quatre feuilles, une plante rare en forme de cœur, s’accompagne de croyances puissantes. Depuis l’Antiquité, ce petit trésor est considéré comme un porte-bonheur exceptionnel, annonciateur d’amour, de santé, de richesse et de renommée.
La théorie des signatures, entre sagesse ancienne et légendes
Popularisée par le médecin et philosophe suisse Paracelse au XVIe siècle, la théorie des signatures repose sur le principe « similia similibus curantur » — « les semblables soignent les semblables ». Selon cette idée, une plante dont la forme évoque un organe pourrait guérir cet organe. C’est ainsi que l’« hépatique », avec ses feuilles rappelant le foie, est utilisée contre les troubles hépatiques. Mais cette approche a souvent relevé plus du symbolisme que de la science rigoureuse.
Cette vision a également inspiré des récits fascinants, comme celui de la passiflore, dont la fleur a été interprétée par un missionnaire jésuite comme une évocation des instruments de la Passion du Christ, permettant d’évangéliser les populations indigènes d’Amérique centrale.
Pierres précieuses et pouvoirs mythiques
Au-delà des végétaux, les pierres précieuses ont aussi été investies de pouvoirs en lien avec leur couleur et leur forme. Le rubis, par exemple, était censé stimuler la circulation sanguine, renforcer le courage et la vigueur, et même stimuler la libido. Des tsars russes jusqu’aux aristocrates européens, beaucoup ont porté ces joyaux en gage de protection et de santé.
Aujourd’hui, si ces croyances ont été largement abandonnées par la science, elles restent vivaces dans notre culture populaire : noces de rubis, collectionneurs de trèfles, ou simples émerveillements devant une feuille ou un coquillage en forme de cœur.
Un héritage symbolique à préserver
Au fond, Dame Nature nous offre ces formes comme autant de clins d’œil. Elle est belle, complexe et pleine de poésie. Ces symboles nous rappellent l’importance du cœur, non seulement comme organe vital, mais aussi comme foyer des émotions, de l’amour et du lien qui nous unit à notre environnement.
Et si, dans notre monde moderne, où la technologie et la science dominent, nous prenions le temps de redécouvrir cette magie simple offerte par la nature ? Peut-être y trouverions-nous un peu plus de sérénité et d’harmonie…
Par Thibaut Antoine-Pollet, Président de Locacoeur
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